Comprendre l'Ashtanga Yoga

Publié par Elodie Garamond
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Publié le 22 février 2024

Savez-vous parler l’ashtanga ?

Vous le savez, l’usage de la langue sanskrit est (légitimement) répandu dans les cours de yoga, et particulièrement dans les séances d’ashtanga et les pratiques autonomes encadrées appelés mysore. On vous explique pourquoi, et surtout on vous partage notre petit lexique pour vous aider à suivre vos cours en comprenant de quoi le prof vous parle :-)

Ashtanga yoga, les grands principes

Pratique très répandue en occident, l’ashtanga vinyasa est une variante de yoga dont la singularité est la dynamique intense et cadencée des séquences. Les postures et les transitions s’enchaînent dans un ordre spécifique en synchronisation parfaite avec la respiration, sans interruption du début à la fin de la pratique puisque – théoriquement – le souffle ne s’arrête jamais. Patthabi Jois, maître indien de cette discipline relativement moderne, comparait poétiquement sa pratique à une « guirlande de postures posées sur le fil de la respiration ». En ashtanga, l’objectif n’est plus la perfection ni l’alignement des postures en elles-mêmes mais leur exécution dans un ordre prédéfini sans altération de la respiration, pour maintenir le respect du rythme de la séquence.

Autre particularité de l’ashtanga, l’usage très répandu du sanskrit, et le comptage des postures dans cette langue. Voici un petit guide pour bien débuter.

D’où vient le sanskrit, la langue de l’ashtanga yoga ?

Le sanskrit appartient à l’une des plus vieilles branches des langues indo-européennes et bien que parlée essentiellement en Inde, ce fût une des grandes langues de l’Asie dont certains linguistes affirment que le grec et le latin seraient issus. Son usage, bien qu’en déclin, se poursuit chez certains lettrés. Il demeure l’une des quinze langues officielles de l’Union indienne, une langue de culte et d’enseignement. S’il est parfois appelé aussi « la langue des Dieux » c’est parce qu’on dit qu’il aurait été créé par Brahma lui-même, le dieu de la Création dans le Panthéon indien, qui offrit par oral sa connaissance à des rishis, des sages. Ces derniers l’auraient par la suite consignée dans les textes écrits (il y a environ 3 500 ans) qu’on appelle les védas. Ces textes sont fondateurs de la pensée yogique et constituent le socle des grandes épopées indiennes que sont le Mahabharata, le Ramayana ou la Baghavad-Gita, haletants contes épiques écrits en sanskrit.

Comment compte-t-on en sanskrit en ashtanga yoga

Parce que l’ashtanga est une méthode très précise d’enchaînement de postures synchronisées avec le souffle, dans laquelle les séquences sont toujours strictement identiques, l’enseignant utilise un comptage en sanskrit à haute voix qui permet de guider les élèves avec la même cadence de souffle, tel un métronome. Ainsi les élèves respirent et avancent dans l’enchaînement tous au même rythme.

Pour vous aider à suivre le rythme, commencez par apprendre à compter en sanskrit :

  1. un : ekam
  2. deux : dve
  3. trois : treeni
  4. quatre : chatvaari
  5. cinq : pancha
  6. six : shat
  7. sept : sapta
  8. huit : ashta
  9. neuf : nava
  10. dix : dasha
  11. A partir de 10, on rajouter aux nombres le suffixe -dasha
  12. onze : ekaadasha
  13. douze : dvaadasha
  14. treize : trayodasha
  15. quatorze : chaturdasha
  16. quinze : panchadasha
  17. seize : shodasha
  18. dix-sept : saptadasha
  19. dix-huit : ashtaadasha
  20. dix-neuf : navadasha
  21. vingt : vimshatihi

La base de l’ashtanga, les surya namaskar

  • Surya, le soleil

Surya est le terme sanskrit pour désigner à la fois le soleil et le dieu solaire. Il est représenté comme un guerrier traversant le ciel sur un char conduit par sept chevaux, symbolisant les sept jours de la semaine, les 7 matins où le soleil se lève et « allume » la vie sur terre. Il est celui qui illumine, chauffe, transforme, guérit… Aruna, le dieu de l’Aurore qui conduit ce char à 7 têtes, présente quatre mains, l’une tenant une roue, l’autre une conque, la troisième un lotus et la dernière réalisant une mudra de protection. À travers ces quatre symboles on lui associe l’idée qu’il porte la clairvoyance, la connaissance, la vérité du monde, la justice des forces du bien contre celles du mal.

  • Namaskar, la salutation

Namaskar s’inscrit ainsi dans une logique de gratitude et de respect du divin en toutes choses, à commencer par le soleil qui “allume” chaque journée et nourrit tout être vivant sur la planète. Pour la petite histoire, les salutations au soleil ne sont apparues en Occident qu’au xxe siècle. Avant la diffusion moderne du yoga en Occident, le surya namaskar ne se pratiquait pas contrairement à ce qu’on peut imaginer… Selon Mark Singleton c’est un body-builder indien nommé Pratinidhi Pant qui l’inventa au début du siècle dernier comme un échauffement à son programme de musculation, que lui-même ne considérait pas comme du yoga ! Elle a été par la suite absorbée par le yoga moderne, particulièrement l’ashtanga grâce au maître Pattabhi Jois qui l’a intégré dans sa première série.

En ashtanga on distingue les salutations : surya namaskar A (généralement répétées 5 fois) et les surya namaskar B (répétées trois fois, qui incluent la posture du Guerrier 1, virabhadrasana I). Il est important d’apprendre pas à pas ces salutations.

Les mots clefs de l’ashtanga yoga

Namasté et mantra d’ouverture

Ce signe de prière pour certains, de salut pour d’autres, est l’illustration en mudra du message universel porté par ce mot (connu mais inconnu de beaucoup) : NAMASTÉ. Le mot namasté en sanskrit - ou namaskar, namaskaara, namaskaram - est employé quotidiennement en Inde pour exprimer à la fois des salutations tels que bonjour et au revoir, mais aussi pour remercier son interlocuteur et exprimer une forme profonde de respect. Pourtant, issu de la religion hindouiste et bouddhiste, son origine est bien plus profonde et plus spirituelle : namasté est un appel à la reconnaissance de la lumière pure que chacun porte en soi, et de l’amour universel qui nous relie tous les uns aux autres, d’une âme à une autre. Il est composé de trois mots : « namah » est le fait de s’incliner, de se prosterner ; « as » signifie « je », et « te » signifie « à toi, vers toi » ce qui autorise à traduire namasté en première lecture par : « Je m’incline devant toi. » Mains au cœur en namasté, on entonne en ashtanga yoga un mantra d’ouverture - toujours le même - et un mantra de fermeture, qui marquent respect et gratitude envers les guides et gurus. Ce mantra d’ouverture permet également de placer sa conscience sur la pratique à venir pour mieux se concentrer.

Chikitsa, la première série

Le nom sanskrit de la 1ère série d’ashtanga est chikitsa signifie « yoga thérapie », ce qui justifie que les ashtangis considèrent celle-ci comme un véritable processus de guérison et de nettoyage puissant du corps, de l’esprit.

Le mot-clef de cette série est tristana, un mot qu’on utilise pour évoquer les trois points de contrôle ou de vigilance que lesquels doit s’appuyer la pratique d’un ashtangi : le bandha, ou contrôle des verrous énergétiques, le pranayama, ou contrôle du souffle, le drishti ou contrôle des points de fixation du regard.

Mula Bandha, le contrôle du plancher pelvien

Les bandhas sont les verrous énergétiques du corps. Le terme sanskrit signifie littéralement l’action de lier, la ligature, le lien, l’attache, le tendon, la jonction. Pris dans le sens de « sceller ensemble, joindre, garder à l’intérieur », le bandha est un moyen physiologique de stimuler la circulation de l’énergie par des engagements et contractions musculaires avec des effets de pressions dans le corps, ce qui permet de bloquer ou fixer à l’intérieur du corps ce prana, l’énergie vitale, et éviter ainsi qu’il se dissipe. Il existe 3 principaux bandhas et 4 secondaires, plantaires et palmaires engagés dans les appuis des mains et des pieds au sol. Mula, uddiyana et jalandhara bandhas sont les trois principaux verrous fréquemment cités en cours d’ashtanga yoga. Maîtriser les bandhas fait partie de la progression dans la pratique, car ils sont de véritables piliers utilisés pour ressentir le courant de l’énergie qu’on cherche à canaliser à l’intérieur du corps physique et pranique.

En ashtanga yoga, le bandha principal est mula bandha est le verrou du plancher pelvien, connecté au premier chakra, muladhara, celui qu’on qualifie de chakra racine, le siège de l’instinct de survie et de l’adrénaline, de la stabilité et de l’ancrage à la Terre. Engagé en contractant la zone du périnée et du plancher pelvien, Mulabandha « verrouille » l’énergie montante de la terre à l’intérieur du corps pour lui permettre de remonter le long de la colonne vertébrale.

Drishti, le contrôle du regard

En yoga, le drishti désigne le point de fixation du regard. Dans de nombreuses postures, le drishti aide à aligner la tête, le cou et la colonne vertébrale, donc à trouver un meilleur alignement du corps dans l’espace pour installer la posture dans le confort. Ce focus du regard est un point de concentration visuelle qui permet de stabiliser le globe oculaire en évitant le cillement des yeux, pour favoriser la concentration, en focalisant l’attention - et donc le mental, non plus sur ce qui se passe autour de soi, mais sur sa propre pratique et sa place dans l’espace de son tapis. Le drishti fait intégralement partie des postures en ashtanga yoga, il permet de les stabiliser et ne doit jamais être sous-estimé ou oublié.

On décompte neuf drishtis :

  • Nasagre : regard fixé sur le bout du nez, un puissant drishti pour renforcer les yeux
  • Urdhva : regard porté vers le haut, vers le ciel (par exemple en urdhva hastasana)
  • Bhrumadye : regard porté sur ajna chakra, le troisième œil, le point entre les sourcils
  • Hastagrahe : regard fixé sur la main (en triangle uttitha trikonasana)
  • Anghusta madye : regard fixé sur le ou les pouces (en posture de guerrier I)
  • Nhabi chakra/brumadhia : regard fixé sur le nombril (en adho mukha svanasana, chien tête en bas par exemple)
  • Parshva : regard tourné sur le côté droit ou gauche, dans les torsions notamment
  • Padayoragre : regard fixé sur le pied ou la pointe des orteils (dans la pince paschimottanasana par exemple)

N’hésitez pas à vous entraîner avec des exercices de yoga des yeux pour assouplir et tonifier vos muscles oculaires, les drishtis vous paraîtront plus faciles !

Ujjayi, le contrôle de la respiration

Tous les textes les plus anciens, en témoignent : dans la pratique yogique traditionnelle, le mouvement n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas le geste dans sa forme, même la plus parfaite, qui est essentiel, mais le souffle qui le porte. En ashtanga yoga, le mental est sans cesse concentré sur le son profond produit par le souffle, qu’on appelle Ujjayi transformant progressivement la pratique en une sorte de méditation active. Ujjayi est une respiration sonore et profonde que l’on doit apprendre dès le début à mettre en place en coordination avec des postures. Cette respiration diaphragmatique sonore se fait par le nez uniquement avec la glotte serrée pour freiner le passage de l’air, ce qui permet de réguler les échanges gazeux, équilibrant l'inspiration et l'expiration. Ce blocage partiel produit un son profond très spécifique, comparé parfois à un bruit d’océan, que l’on peut s’entraîner à reproduire en imaginant souffler sur une vitre comme pour créer de la buée, mais en fermant la bouche. Celle-ci offre de nombreuses vertus physiologiques : nettoyage des reins, régulation de la tension, amélioration de la digestion, rééquilibrage du système nerveux entre l’action du sympathique et du parasympathique… Également appelé le « souffle victorieux » ujjayi peut se traduire par « ce qui s’exprime à haute voix, ce qui mène au succès ». On dit de ce souffle qu’il provoque une élévation de chaleur et d’énergie si puissante dans le corps qu’il peut guider le pratiquant vers la victoire envers les résistances du corps physique comme du mental.

Conclusion

Sur la base de ces grands principes, l’ashtanga yoga exige, comme toutes les pratiques mais sans doute encore davantage, une grande régularité. On dit qu’il se pratique chaque matin hormis les jours de pleine lune, surnommés “ashtangi shabbat”. Une routine quotidienne doit être mise en place dès lors que l’on souhaite progresser en ashtanga, condition incontournable pour progresser et rentrer plus intensément dans cette méditation en mouvement si bénéfique.

Copyright @Elodie Garamond - 2024

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